Les Forêts combattantes

Une nuit, mon délire arriva à son comble. Ce qui rôdait au-dehors revint une fois de plus à la charge. J’imaginais des griffes aiguisées éraflant les planches, tentant de s’immiscer sous la porte. Ça grognait, ça haletait. Le son se transformait en geignement rauque. La plainte finit par se transformer en une voix, ou plutôt plusieurs voix qui parlaient à l’unisson. Après des phrases indistinctes, elles se mirent à prononcer mon nom sans discontinuer, à m’en vriller les tympans. Ensuite, tout s’arrêta d’un coup et, dans les brumes de mon esprit, je crus discerner un visage qui se penchait sur moi. C’était celui d’une vieille aux cheveux filasses. Deux autres vinrent la rejoindre, des visages durs et nobles à la fois dont les yeux clairs me fixaient avec gravité. Toutes les trois posèrent ensemble leurs mains sur ma poitrine et mon front ; des mains glacées, caleuses, rêches ; des mains de bêtes des bois aux doigts noirs et griffus. Lentement une chaleur douce vint courir sur ma peau, une chaleur qui se transforma en brûlure si ardente qu’elle me fit hurler de stupeur et de terreur mêlées. Une horrible odeur de carne brûlée vint m’assaillir les naseaux et mes yeux se mirent à piquer, irrités par la fumée noire qui émanait de ma peau en train de prendre feu. Et ces mains, ces mains qui restaient étrangement froides, je les sentais me triturer les entrailles jusqu’à ce qu’elles trouvent enfin mon âme sur le point d’exploser.