Comme toutes, l’Histoire de Bretagne est jalonnée de batailles. L’une d’elles s’est déroulée en 890 entre les Bretons et les Vikings : la bataille de Questembert. Jérôme Nédélec s’en inspire pour un roman passionnant (Les Frontières liquides).
Le nom de Jérôme Nédélec était jusqu’à présent associé au milieu de la musique traditionnelle. Mais au tournant de la quarantaine, l’homme a voulu voir s’il avait d’autres cordes que celles de sa guitare. «J’ai longtemps été bridé par ma mauvaise orthographe, mais il y a quatre ans j’ai écrit un chapitre d’un roman, puis deux, puis j’ai participé et remporté plusieurs concours de nouvelles», raconte-t-il. Rassuré, le lecteur assidu de romans s’est fait auteur.
Deux points de vue sur une bataille
L’ancien bénévole puis ouvrier de chantiers archéologiques a un goût prononcé pour le haut Moyen-Âge. Tout naturellement, il a donc choisi cette époque peu évoquée dans la littérature populaire. D’autant plus qu’un fait marquant s’est déroulé dans la région: la bataille de Questembert. «C’est l’historien d’Anne de Bretagne, Pierre Lebeau, qui place cette bataille entre les Bretons et les Vikings à Questembert, sans citer de source. Peut-être en 1580 avait-il des documents disparus aujourd’hui ? Mais ce n’est pas une contre-vérité d’imaginer qu’elle s’est plutôt déroulée à Rieux, sur la voie romaine et sur la Vilaine où pouvaient remonter des bateaux», assure l’auteur, qui a été relu par des historiens et s’est inspiré des lieux où il a vécu plusieurs années.
«Cette époque est passionnante : elle scelle l’Europe d’aujourd’hui, les frontières se forment. Mais entre les grandes lignes mythiques, les historiens ne savent rien». Jérôme Nédélec se saisit de ces blancs pour écrire à la première personne ce roman qui donne corps aux deux camps. «Je suis un écrivain jardinier : je me laisse pousser par mon récit», avoue-t-il. Il n’a ainsi choisi le visage du traître que dans les dernières des quelque 500 pages. Mais le livre se lit facilement. D’autant plus que la pensée des protagonistes est «moderne». «Porter un bouclier ou soulever une épée, on en a une connaissance technique. Mais que ce qui se passait dans leur tête ? Personne n’est capable de le savoir. En évitant les anachronismes, j’ai pensé aux jeunes lecteurs et voulu une histoire universelle». Une histoire où, comme le démontrent les découvertes récentes, le portrait du Viking, barbare sanguinaire, se nuance. «Si la Bretagne n’est jamais devenue un vrai royaume, c’est à cause des Vikings», estime Jérôme Nédélec, actuellement en pleine écriture du second tome de sa trilogie (Les Forêts combattantes). En parallèle, il cherche aussi à faire revivre cette époque à travers d’autres médias et peut-être un archéo-site à Rieux près des ruines du château du dernier roi breton, Alain Le Grand, mort quelques années après la «bataille de Questembert» en 907.